ARCANES, la lettre

Dans les arcanes de


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici une petite compilation des articles de la rubrique "Dans les arcanes", des édito détonnants pour présenter le thème du mois.

DANS LES ARCANES DE


La sculptrice Paqui Chaumel jeune, photographiée par sa mère Germaine, années 1940. Germaine Chaumel - Mairie de Toulouse, Archives municipales, Fonds Martinez-Chaumel, 97Fi, nc.

Archi-femmes


mars 2025

Il y a bientôt trente ans, j’entrais en salle de cours du Département Archives et Médiathèque de l’Université de Toulouse Le Mirail et constatais avec surprise que l’assemblée était à 99 % composée de femmes. M’apparaissait alors les membres d’un ordre archivistique, presque exclusivement féminin, au vocabulaire ésotérique émaillé de « versement », « récolement » et autre « diplomatique ». Je compris que la vocation de cette communauté était la préservation du Patrimoine qui portait bien son nom, tant il émanait principalement d’hommes. Ce statut de gardiennes du temple patriarcal ne pouvait que révolter les intéressées qui se mobilisèrent. Ainsi, de nombreux fonds d’archives féminines ont depuis intégré nos institutions ; une grande collecte sur cette thématique a d’ailleurs été organisée en 2018. Mais comme un combat n’est jamais gagné le n°162 d’Arcanes, se devait, en ce mois de mars, de rendre hommage à ces femmes.

« Être une femme libérée, tu sais, c’est pas si facile » aurait pu dire la photographe Germaine Chaumel (dont nous conservons les clichés depuis 2012), elle qui a toujours suivi ses passions. Divorcée à l’âge de 28 ans, elle se lance dans une carrière de chanteuse lyrique puis bifurque vers la photographie au mitan des années 1930. Etoile montante du photojournalisme local, participant à la fondation du Cercle photographique des XII, elle a laissé une marque indélébile sur la scène toulousaine.

Pour continuer sur la lancée des tubes des années 1980, on pourrait résumer le parcours de la nommée Varenne par « Je suis libre, je suis Catin ». C’est en effet le surnom que se donna Catherine-Elisabeth, femme de tête, qui vécut à la fin du 18e siècle et qui ne s’en laissait conter par personne. Les démêlés qu’elle eut avec la loi et qui figurent dans les procédures judiciaires des capitouls nous ont permis de la connaître.

Comme elle, nombreuses sont les féministes qui se sont mises hors la loi, et longtemps leurs archives sont restées hors les murs. A présent, nous conservons dans nos fonds pas moins de six ensembles provenant d’associations (MLF Toulouse, collectif Midi-Pyrénées pour les droits des femmes, Badgam Espace Lesbien) ou de personnalités (Monique-Lise Cohen, Irène Corradin, Marie-France Brive) illustrant ce mouvement politique et sociétal.

Archi-femmes ce pourrait-être aussi le nom de ces femmes architectes qui, au cours du 20e siècle, ont conçu nombre de bâtiments de notre ville : la Cité Bagatelle, l’Hôtel du département, le Théâtre Garonne, etc. Longtemps invisibilisées ou dans l’ombre d’un mari exerçant la même profession, les Marguerite Moinault, Marie-Louise Cordier ou Denise Scott-Brown sortent enfin de l’ombre.

De l’ombre à la lumière, c’était également le chemin promis aux prostituées qui intégraient, sous l’Ancien Régime, le couvent des Repenties situé rue des Couteliers. Hélas, il s’agissait simplement d’un transfert d’une prison vers une autre.

En revanche, c’est vers de nouveaux horizons, et surtout de nouvelles ressources en ligne, que nous vous invitons. Elles concernent toutes les femmes, productrices, donatrices, sujettes et actrices, de l’Ancien Régime à nos jours, et sont disponibles sur notre site. 

Voilier remorquant une petite embarcation, port de Royan (Charente-Maritime), vers 1900, Antonin Ruffié - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 42Fi220.

C'était mieux à vent


février 2025

Lorsque les navires ont progressivement perdu leurs voiles au cours des 19e et 20e siècles, c’est un peu comme s’ils avaient perdu leurs lettres de noblesse. Car sur les gréments s’était développé tout un vocabulaire mystérieux, sorte d’espéranto des mers composé d’anglais, de français, mâtiné d’allemand, d’italien, d’espagnol, de portugais et de néerlandais, qui fait encore le sel des romans d'aventures maritimes. Bref, la marine, comme les moulins, c’était mieux à vent. Ironie du sort, l'écologie aidant, Eole fait un comeback à bord des super-tankers ou des dispositifs tentent de capter sa puissance motrice. Alors enfilez vos vareuses et vos bérets à pompons, nous appareillions à bord du numéro 161 d'Arcanes où vous ferez la connaissance de notre équipage haut en couleurs.  
A la proue vous trouverez le quartier-maître Dieuzaide, l'œil vissé à son appareil photo, immortalisant ses collègues sous le Mistral provençal.  
Dans la cale, aux fers, sont consignés de mauvais sujets, prompts au “souffletage” et à l'emportement. Nous ne sommes pas sur le Bounty, mais la mutinerie n'est jamais très loin. 
Une légende de marins tenace veut qu'une femme à bord d'un bateau porte malheur. Il n'en est rien, en revanche j'ai entendu parler d'une habitante de Toulouse qui avait abrité en son sein un passager clandestin pendant plus de vingt ans.  
Vous rencontrerez ensuite nos gabiers qui drisseront la grand-voile pour prendre le vent marin ou vent d’Autan. Zephir si proverbial à Toulouse qu’on le trouve fréquemment représenté, notamment sur les murs du Capitole. 

C’est ce même vent qui, depuis des siècles, fait tourner les ailes des moulins de notre région. On pourrait croire, à l’aune de leur disparition, que d’aucuns ont passé leur temps à se battre contre eux, c’est d’autant plus vrai qu’ils font aujourd’hui leur réapparition sous la forme d’éoliennes.  
Pour finir, vous le savez, le capitaine est le seul maître à bord, mais il prend régulièrement le pouls de son équipage. C’est ce que nous faisons via une enquête auprès de notre public. Ainsi le clipper des archives pourra vous amener vers de nouveaux rivages. Hauts les cœurs moussaillons !  

Portrait en pied de M. C. Gueden’s professeur de patinage à l’Eldorado à Toulouse (150 allée de Barcelone), 1912, carte postale photographique. Marius Couret – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7084.

Les rois du patin


janvier 2025

On a tendance à croire que la jeunesse à roulettes est un phénomène assez récent. Comment oublier les rollers et skateboards des années 1980 et à quel point les uns étaient nazes et les autres étaient cools. Vous préfériez être un patineur du bitume ou un surfeur des villes ? Eternelle querelle des Anciens et des Modernes, car les patins ne datent pas d'hier. En témoignent ces établissements toulousains de la fin du 19e et au début du 20e siècles proposant des pistes de patinage : le Kursaal, l'Eldorado, les Skating-Palais, Skating-National, Skating-Room et Skating-Ring, où les « skatineurs » et « skatineuses » s'en donnaient à cœur joie. Alors accrochez-vous à votre planche et préparez-vous à quelques tricks d'enfer exécutés par l'équipe d'Arcanes pour son 160e opus.

Nous débutons avec le Tony Alva du pyrénéisme, j'ai nommé Maurice Gourdon, dont la figure de prédilection, la photographie en extérieur, l'a conduit à transporter son matériel vers les contrées les plus inaccessibles, telles le Spitzberg.
Les aficionados du old school sauront ensuite apprécier un boneless d'école, littéralement « désossé » qui résonne étonnamment avec le supplice d'Ancien Régime de la roue consistant à briser les os d'un condamné. Que les riders qui ne se sont jamais rien cassé dans le feu de l'action me jettent le premier truck.

À ce sujet pas de tricks sans trucks. Pour des performances de champions, il faut un matériel d'exception. Aux Archives les roulements de nos chariots n'ont rien à envier à ceux des planches Powell-Peralta et autres Santa-Cruz. J'ai même vu quelques figures audacieuses dans les couloirs de notre bâtiment.
On en voit moins sur le famélique skate-park de la Terrasse installé à proximité d'un bâtiment singulier. Il s'agit de l'église du Christ-Roi conçue par les architectes Paul et Pierre Glénat et réalisée dans les années 1960. N'oubliez pas d'enlever vos patins avant d'entrer.
Peu de gens le savent, mais il existe aussi un skate-park à Rouvenac, village de la commune du Val-du-Faby (Aude) à laquelle appartient Fa où furent découvertes deux roues en bronze datant du début de l'âge du fer aujourd'hui conservées au musée Saint-Raymond. Deux roues, c'est peu, mais suffisant pour faire un wheeling.
Nous terminons avec un 360° ou tour complet de nos ressources généalogiques en ligne récemment enrichies par les actes d'état civil de l'année 1923 et les tables décennales de 1923-1932. On est encore loin du 900° de Tony Hawk, mais on s'en approche.

"Spuk im Spessart" ou train fantôme du Luna Park de l’île du Ramier, novembre 1965. Jean-Paul Escalettes – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 42Fi2969.

Massacre dans le train fantôme


décembre 2024

J’évite les fêtes foraines depuis que je ne porte plus de culottes courtes. Il s’en dégage une atmosphère un peu déprimante qui, pour moi, n’est pas étrangère au commerce du merveilleux. Un jour on réalise que les étoiles dans les yeux ce sont aussi des pépites dans les poches. Quelle désillusion !

Mais un jour aussi on se retrouve, on ne sait comment, dans le train fantôme d’un Luna Park éphémère. On se pince, mais on ne rêve pas, assis dans un wagonnet traversant une forêt de toiles d’araignées géantes, de squelettes cliquetants et de masques grimaçants, où résonnent rires hystériques et hurlements bestiaux. Hélas ! Un seul frisson vous étreint alors que votre mini-voiture passe brièvement au vu de tous et que vous croisez le regard d’une connaissance dans la foule. Vergogne ultime !


Mais laissons-là les démons du passé et pour les exorciser je vous invite donc au grand barnum du 159e numéro d’Arcanes.
Chères Mesdames, écarquillez bien les yeux devant l’interdit ! Un lieu dont votre sexe est banni depuis des siècles ! L’époustouflant photographe Louis Albinet va vous faire découvrir l’incroyable mont Athos où ne résident que des hommes.
Vous serez ensuite initiés par l’étrange Cazo-Bongo aux mystères des cinq vertèbres sacrées, autrement appelées sacrum (et des différents dégâts qu’on peut y faire). Sans oublier les pléthoriques et magiques reliques de saint Edmond le Martyr, de saint Symphorien et de saint Castor.
Quant aux plus jeunes, ils pourront défier les lois de la physique en utilisant l’extraordinaire machine à remonter le temps du professeur Candido-Negri. Ils assisteront ainsi à un ébouriffant défilé d’images fantastiques et argentiques venues des siècles passés.
Et devant vos yeux ébahis, dans la cour de l’hôtel de ville du Capitole, vous assisterez à la stupéfiante apparition du plus célèbre des suzerains de France et de Navarre en armure de combat. Suivez son panache blanc !
Vous ne partirez pas sans avoir rêvé aux mille feux de l’or maudit de Toulouse, immergé dans un lac sacré. Un consul romain l’a volé, l’infortune l’a poursuivi. Nombreux sont ceux qui ont perdu la raison en le cherchant.
Et pour finir, concentrez-vous sur ma voix, rien que ma voix et imaginez un monde singulier, un monde de chevaliers sans chevaux, de vaches volantes et de lapins tueurs. Vous y êtes, vous touchez le graal. Maintenant je vais compter jusqu’à trois et quand vous entendrez le chiffre trois vous vous réveillerez et vous aurez tout oublié de cet édito. Un, deux, trois...

Portrait d’un homme avec chapeau, années 1920, négatif N&B sur verre, 13 x 18 cm. Antonin Ruffié – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 42Fi2.

Le feutre à la pogne


novembre 2024

L’autre jour j’ai vu mon pote Roger avec un drôle de feutre sur le crâne. « C’est un Homburg » qu’il me dit. Ça toujours été un excentrique le Roger, mais un expert du barbotage, d’où son blaze La Pogne. « Question exotisme, tu aurais pu faire mieux, sortir en fez, à l'orientale » que je lui réponds. Là, il rit jaune et je lui explique : « Mon Roro il n’y a qu’un seul couvre-chef pour les vrais bonhommes, les affranchis comme nous, c’est le Borsalino. Les autres galurins c’est pour les caves. Tu imagines Al Capone avec un béret ? » Alors faites comme Roger ouvrez bien vos esgourdes et filez doux, bicause je vais vous rencarder sur la 158e d’Arcanes.

Primo, on ne va pas vous causer du roi des gangsters, mais du roi des clichetoneurs toulousains : Jean Dieuzaide, alias le Boss, Yan, ou Monsieur Jean. Lui, quand il scribouillait quelque part, il utilisait toujours le même stylo. Gare à celui qui ne suivait pas les consignes...

Secundo et tertio, on va baragouiner bizness. Mornifle tarte et chourave, et c’est pas de la graille. Vous avez pigé ? La fausse monnaie et la fauche quoi ! Il faut croire que ça ne date pas d’hier vu qu’il y en avait déjà pas mal du temps des Bourbon. C’est dire !

Quarto, le Louis XV c’était aussi un rade près de la place Lucas tenu par un certain Oliveau. La spécialité du chef : la châtaigne ; le Marteau-Piqueur qu’on l’appelait. Aujourd’hui, il en reste que dalle, c’est tout le coin qui est passé au marteau-piqueur. Fallait faire place nette pour le nouveau quartier Saint-Georges.

Quinto, je ne radote pas question mornifle mais y’en a, et pas des moindres, qui auraient carrément jeté le bébé avec l’eau du bain, ou plutôt le présentoir avec la marchandise. Résultat : de la thune de collection dans la nature. Pas jouasse !

Sexto, Paulo Quat’Zyeux m’a donné un bath tuyau pour accéder de sa piaule à tout un tas d’informations sans lever le petit doigt. Le site internet des Archives de Toulouse que ça s’appelle. On y trouve même des trucs sur la boutique de doulos Brosson. Je leur tire mon chapeau à ces zigues !

Souvenir de Toulouse, vers 1910. Grands Magasins de Nouveautés "Au Capitole" (éditeur) - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi1010.

De mémoire et d’oubli


octobre 2024

La mécanique synaptique qui anime notre cerveau suit un double mouvement continu de mémorisation et d’effacement. L’un ne va pas sans l’autre. Si l’équilibre se rompt, la machine s’égare sur les chemins maladifs de l’amnésie ou de l’hypermnésie.
Nous, archivistes, petites cellules grises de l’encéphale sociétal, connaissons bien ce processus : trier, classer, détruire, pour mieux conserver la substantifique mémoire collective et la restituer au monde. Le numérique a, un temps, donné l’illusion qu’il était possible de tout conserver, d’autant plus dans un contexte d’injonctions mémorielles. Mais les faits sont têtus, pour pouvoir se souvenir, il faut aussi savoir oublier. Je vous invite donc à un exercice de mémoire tout à fait oubliable, ainsi qu’à un double hommage à Joe Brainard et à son zélateur français Georges Pérec, pour vous présenter le n°157 d’Arcanes.

Je me souviens de ces étranges lunettes de bois, posées sur la toile cirée à motifs de la cuisine de ma grand-mère, qui permettaient de voir des images stéréoscopiques en relief ; 

Je me souviens du terme “pierre morne” apparu au détour d’un texte, que j’avais trouvé autant obscur que poétique, avant de découvrir qu’il s’agissait du lieu d’exposition des cadavres à identifier sous l’Ancien Régime ; 

Je me souviens que l'archiviste qui organisait les ateliers des Samedis des Archives, Mort ou vif, Masterclass et Au fil des chroniques des capitouls, portait des chaussures en cuir noir siglées Christian Pellet, un must

Je me souviens d’avoir réalisé assez tard que le nom du quartier des Ponts-Jumeaux était effectivement lié aux deux ponts côte à côte traversant les canaux de Brienne et du Midi ; 

Je me souviens de la rue Mirepoix et de son restaurant de pâtes où je me rendais fréquemment sans aucune conscience des vestiges archéologiques qui se trouvaient à proximité ; 

Je me souviens d’avoir découvert qu’il existait des bibliothèques dans les services d’Archives, et inversement, sans en être pour autant bouleversé.

Muséum d'histoire naturelle. Grande salle de zoologie. Avril 1933. Zèbre attaqué par des Léopards. Groupe de M. Lacomme nouvellement installé. Augustin Pujol – Ville de Toulouse, Archives municipales, 1Fi280.

Sur le fil


avril 2017

Pourquoi une lettre d'information sur le fil ? Et pourquoi pas ! Peut-être parce qu'en avril… ou alors parce que nous sommes tous un peu sur le fil du rasoir... Tentons de ne pas vous raser et de vous apporter une petite bouffée d'air frais en partageant avec vous nos pépites !

Mais y a-t-il quelqu'un au bout du fil ?

Je vais essayer de le renouer sans m'enterrer dans les arcanes des idées farfelues des contributeurs. Je me déplace sur un fil et dans tous les cas cette lettre me donne du fil à retordre. Ah… quand les hommes filaient la quenouille. Quel rapport ? Faites une pause et lisez nos petites chroniques ou billets d'histoire toulousaine avant de reprendre le cours de votre vie.

 

 

 

Commencez par parcourir une petite sélection d'images d'avril à Toulouse remontant le temps.

Un florilège sans queue ni tête issu de notre base de données en ligne mêlant images récentes et anciennes, célébration et catastrophe, et qui permet de découvrir des images de Toulouse méconnues.