
ARCANES, la lettre
Zoom sur
Chaque mois, les Archives présentent dans la rubrique "zoom sur" un document issu de ses fonds, nouvellement acquis ou bien un document exceptionnel. Retrouvez ici une petite compilation de tous ces articles.
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« Il est tout à fait d’un philosophe ce sentiment : s’étonner », déclare Socrate au début du Théétète, dialogue platonicien sur la science. « La philosophie n'a point d'autre origine ». Or l’étonnement ne saurait pourtant lui être réservé, loin s’en faut.
Ainsi est-il fréquent, dans les services d’archives figurées, d’entendre les uns et les autres s’étonner, s’émerveiller ou même s’émouvoir devant certaines images qu’ils voient défiler. Et l’interjection Oh ! de compter parmi les favorites des archivistes/iconographes.
Quelle n’est pas en effet notre surprise quand l’on retrouve, après maintes investigations, le contexte de prise de vue ou la localisation d’une série d’images d’abord énigmatiques, ou lorsque l’on voit ressurgir, au détour d’un cliché, un édifice, une place ou même tout un quartier aujourd’hui disparu, si non entièrement transformé. Parfois, c’est le sujet même qui nous interpelle par la rareté de sa représentation, son étrangeté ; parfois c’est son caractère désuet qui nous touche. Il arrive même que la beauté de certaines images vienne à nous couper le souffle. Le sentiment du sublime n’est pas loin. Comme cette photographie du pont Saint-Pierre, sur plaque de verre, prise en 1927 par le photographe toulousain, Louis Albinet, que je soumets à votre regard.
Si le nom de Jean Dieuzaide évoque inévitablement la photographie en noir et blanc, beaucoup ignorent que dès la fin des années 1940 il s’intéressait déjà à la couleur. Lorsqu’il conçut les plans de son nouvel atelier1, rue Erasme, en 1964, il prévit même un laboratoire spécialement dédié. Les processus de développement des négatifs, des diapositives et des papiers couleur sont très spécifiques, les tirages doivent être effectués dans le noir total, les chimies employées pour les développements sont différentes de celles utilisées pour le noir et blanc. En entrepreneur dynamique, toujours à la pointe de la technologie et à la tête d’un laboratoire renommé dans tout le sud de la France, Jean Dieuzaide s’est naturellement lancé dans l’aventure.
Diapositive ou négatif, les deux supports ont été utilisés pour des commandes de clients. En revanche de nombreux clichés à destination de la presse ou des éditeurs, illustrant des ouvrages sur Toulouse, sur les régions et les pays dans lesquels Jean Dieuzaide a été missionné, ont fait l’objet de variantes en diapositives.
Vous n’avez pas encore vu de numérisations de photographies en couleur issues du fonds Jean Dieuzaide sur notre base de données, c’est normal, nous œuvrons en priorité pour rendre visible le noir et blanc. Cependant vous avez pu croiser des indications de leur existence. En effet, le fonds est très organisé, avec ses propres codes : couleurs, abréviations, vocabulaire. Ainsi, sur les albums de contacts vous verrez parfois des petits carrés de couleur en bas à droite des images. Le vert indique que pour l’image en question il existe un exemplaire sur négatif couleur, et le rouge pour les diapositives. Parfois ce sera exactement la même vue, parfois légèrement différente.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet des duplications de prises de vues lors d’un prochain article, en attendant je vous invite à l’observatoire du pic du Midi pendant l’hiver 1952-1953, après la mise en service du premier téléphérique permettant au personnel d’y accéder plus facilement et tout au long de l’année. L’image illustrant cet article est une diapositive couleur, identifiée grâce à ce contact. Les diapositives, très sensibles aux altérations, ont généralement “viré”, c’est à dire que certaines couleurs ont complètement disparu, laissant des images presque monochromatiques, souvent magenta. Le reportage entier, et en noir et blanc, est consultable en ligne (pages 37 à 43).
Avant de nous quitter, et juste pour le plaisir, voici une photographie issue d’un reportage sur les festivités du 14 juillet 1959 à Toulouse, dont vous avez sans doute déjà vu un tirage en ville, sous les arcades de la place du Capitole.
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L’un des principes de base en archivistique est le « respect des fonds », selon lequel chaque document doit être maintenu ou replacé dans le fonds dont il provient. Un fonds est défini comme un ensemble de documents, de toute nature, constitué de façon organique par un producteur dans l'exercice de ses activités et en fonction de ses attributions. Un document d’archives ne revêt donc de sens et de valeur que par rapport à cet ensemble, à ce tout dont il procède.
Il en va de même pour les photographies d’archives. Isolées, prises séparément, celles-ci pour la plupart – au mieux – nous interpellent, attisent notre curiosité ou nous séduisent. Elles ne finissent par faire véritablement « sens » qu’une fois appréhendées dans leur ensemble. Ainsi réunies, mises « bout à bout », les images s’éclairent soudain les unes les autres. Re-contextualisées, elles passent du statut d’œuvres quasi muettes à celui de témoignages délivrant des informations précises, documentant un événement, l’histoire d’un lieu, d’un individu, d’une entreprise, etc.
Sur ce cliché : deux sacs postaux en provenance ou en direction de la France posés sur le sol, devant un avion. A son bord, un pilote supervisant la manutention du courrier assurée par deux hommes en tenue de mécano. Isolément, que nous dit cette image, sinon qu’il s’agit là d’un témoignage de l’Aéropostale ? C’est une fois replacée dans son fonds d’origine, mise « bout à bout » avec celles issues de la même série, que l’image va dévoiler ses secrets. On apprend alors qu’on est ici au début des années 1920, à Barcelone précisément, où « La Ligne » imaginée par Pierre-Georges Latécoère pour le transport postal, faisait alors escale.
Et l’on découvre que le jeune homme timide, dissimulé sous sa casquette, est Amédée Jayet (1899-1981) qui a connu dans l’aéronautique civile, un étonnant destin. Entré en 1922 aux Usines Latécoère de Toulouse-Montaudran comme simple mécanicien, il a gravi rapidement les échelons pour finir directeur-adjoint du Centre de Révision de Toulouse d’Air-France. Proche de Mermoz, d’ailleurs rencontré à l’Escale de Barcelone, à la même période que notre photo, c’est à lui que ce dernier aurait confié avant sa disparition : « Vivement que je reparte en courrier sur l'Atlantique ! Au moins, là-haut, on vit ! »… Si la consultation de ce fonds (5Fi) récemment traité vous intéresse, les images numérisées sont accessibles ici.
Novembre 1947, Nérac (Lot-et-Garonne), des robinets de la fontaine de Fleurette, se met à couler de l’essence. En deux temps trois mouvements, l’affaire occupe la presse locale et nationale qui voient deux avis s’affronter : les uns assurent qu’un gisement se réveille, arguant que le sous-sol recèle un filon pétrolifère, les autres restent sceptiques et s’en remettent aux experts.
En attendant le verdict, Dieuzaide, méthodique, revient donc de Navarre avec des clichés qu’il classe soigneusement en album. D’abord des vues générales de la bourgade, sa rivière la Baïse, son château de la maison d’Albret, puis la fameuse fontaine à conter des histoires. Mise en situation de la population devant les robinets, on montre que le liquide s’enflamme, on tente même une mise en scène « à la façon d’un laboratoire », où, installé à un établi, l’on fait manipuler une bouteille avec une pince… tout en tenant une cigarette allumée à la main. Chaque élément décrit dans les articles parus est illustré, l’ensemble est localisé, daté et organisé*, un personnage est identifié, le reportage est paré pour la vente. Nous avons découvert que France Soir a publié une des photographies dans un article du 6 novembre 1947.
Pendant ce temps, les analyses se poursuivent et les conclusions tranchent le débat : le liquide recueilli est bien raffiné. La voix de la raison corrobore une enquête de police qui atteste de la disparition, possiblement dans le secteur, d’un camion de carburant dérobé en 1940. La piste de l’enfouissement puis de la détérioration des cuves sous terre semble la plus sérieuse, selon plusieurs papiers en date du 7 novembre 1947.
De là à savoir qui était le plus siphonné du camion dérobé ou de certains spécimens de la population, il y aurait un pas que nous ne franchirons pas. En revanche, lorsque nous franchirons une frontière, ce sera sans doute à pied pour aller constater de nos propres yeux si réellement du vin rouge coule de la fontaine d’Irache. Siphonner ou conduire, on a toujours dit qu’il fallait choisir.
* cliquer sur la vignette puis chercher les vues 64 et 65 pour voir les pages de l’album
Pour aujourd’hui, vos lunettes et jumelles ne suffiront pas, je vous conseille de vous équiper d’une longue-vue, ou même d’un télescope, et vous invite à plonger la tête dans les étoiles, et dans une brève histoire de l’astronomie. De tout temps, et même à Toulouse, le ciel et ses mystères ont toujours fasciné les foules. Après des prémices au cours du 17e siècle, inspirées des mouvances et avancées scientifiques de l’époque, c’est au 18e siècle, où Toulouse, acquiert un début de renommée dans ce domaine. Le tout premier observatoire s’installe dans une tour des remparts de la ville, mais rapidement jugé peu adapté, plusieurs scientifiques de l’élite toulousaine décident d’aménager leur propre espace dédié à l’étude des astres. Parmi eux, la personnalité de François Garipuy se démarque tout particulièrement, il installe son observatoire, au rez-de-chaussée, puis au tout dernier étage de sa demeure, située au 16 rue des fleurs, en plein cœur du quartier Saint-Étienne et à deux pas du Palais de Justice.
Presque un siècle d’observations et de découvertes a passé, avant la conception de l'actuel Observatoire de Jolimont. A partir de 1839, il fallait gravir la longue rue du 10 avril, pour atteindre un des points culminants de la ville, la butte de Calvinet, depuis lequel on construisit ce tout nouveau site dédié à l’astronomie. En ces lieux, c’est toute une histoire des sciences, mais aussi d’hommes et de femmes, pour certains devenus célèbres, tel que Benjamin Baillaud, d’autres anonymes, mais œuvrant avec passion en tant que techniciens, calculatrices, ou auxiliaires, à l’étude des phénomènes célestes. C’est depuis ces coupoles, à l’époque isolées de toutes nuisances lumineuses, qu’ils usaient d’instruments pointus, ou bien mystérieux (tout dépend du point de vue), afin de scruter de plus en plus près, ce qui nous paraît encore et toujours si inatteignable.
De nos jours, les études astrales ne sont plus réalisées au sein de cet établissement. Il nous faut maintenant côtoyer des sommets, certes pas au point d’atteindre les étoiles, mais c’est bien depuis le Pic du Midi, à 2 877 m d’altitude, qu’une partie des travaux de l’observatoire astronomique de Midi-Pyrénées est menée. Sur cette photographie, issue du fonds du préhistorien Émile Cartailhac, il nous donne à voir le site à l’aube de ses premières années. On distingue à l’image, les bâtiments nouvellement conçus, depuis 1880, portant tous deux le nom des fondateurs : Charles du Bois de Nansouty et Célestin-Xavier Vaussenat. On remarque aussi l’absence de la coupole Baillaud, construite quelques années après, au tout début du XXe siècle, en 1908. Apparaît aussi sur ce cliché, un photographe, sur le point d’immortaliser ce moment historique, ou bien de capter l’admirable point de vue dont il est aussi spectateur.
En février 2021, les archives ont fait l’acquisition d’un ensemble d’objets ayant appartenu à un ancien gardien de la prison Saint-Michel : une casquette brodée d’une étoile, une médaille et un diplôme délivré par l’administration pénitentiaire. Sans oublier la pièce maîtresse du lot : un étonnant portrait en buste dudit homme. Sur cette peinture, décorée d’un cadre blanc et doré, le surveillant est vêtu de son uniforme et coiffé de son couvre-chef réglementaire en feutre.
Mais l’aspect le plus intriguant de cette œuvre s’avère être la signature peinte en noir en bas à gauche, indiquant le nom de l’artiste et la date : Arthur Finemann, 1952. La légende familiale raconte que le portrait aurait été réalisé dans l’enceinte de la prison et par un des prisonniers. Après moult recherches, le verdict est tombé (sorti du chapeau), Arthur Finemann, était bel et bien un ancien détenu de la maison d’arrêt de Saint-Michel.
En juin 1951, convoqué par le tribunal militaire de Toulouse, il est condamné pour des crimes de guerre perpétrés lors de la Seconde Guerre mondiale. Ancien membre de la Gestapo à Rodez, il est jugé responsable du massacre de Sainte-Radegonde d’août 1944. Appelé le « Grand Luc », il hérite aussi du sinistre surnom de « terreur de l’Aveyron ». Après trois années d’emprisonnement à Toulouse, il quitte la France et finit par rejoindre son pays natal, l’Allemagne, pour y poursuivre son activité de peintre et de marchand d’art.
Il est vrai que le portrait lui-même présentait certaines caractéristiques, pour ne pas dire un air de famille - notamment en termes de pilosité - qui auraient pu nous donner des indications sur la personnalité de son auteur.
- « Rhaaa… mais c'est plus du grain là, c’est des patates ! »
Parmi les photographes qui ont travaillé en argentique, celles et ceux qui ont entendu ou prononcé cette phrase sont légion. On fait alors référence à l'aspect granuleux des films qui s'observe sur les émulsions très sensibles à la lumière, comme les 3200iso, ou, bien sûr, les pellicules de mauvaise qualité ou mal traitées. Ce qu'on ne sait pas toujours, même lorsqu'on est né au temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, c'est que la pomme de terre a réellement été utilisée en photographie.
En 1907, Louis Lumière met au point un nouveau procédé qui permet de restituer les couleurs sur une plaque de verre : l’autochrome. À la couche de gélatino-bromure d'argent désormais traditionnelle, il adjoint une couche de fécule de pomme de terre dont les grains ont été teintés en rouge, vert et bleu. Oui, je sais "that rings a bell", ou "ça dit quelque chose", comme on dit par chez nous. En effet, il s’agit du principe de restitution des couleurs par synthèse additive, dont les écrans de télévision cathodiques (que les moins de 20 ans, etc.), par exemple, utilisent le principe. C’est-à-dire que ce sont de petits points lumineux, alignés de manière régulière, qui reçoivent une quantité de lumière différente et la renvoient sur la rétine, le cerveau se chargeant d’analyser le mélange et de traduire l’information. L’espace colorimétrique restitué est donc très dépendant des teintes utilisées pour colorer la fécule, ce qui explique les couleurs surprenantes que l’on observe sur ces autochromes, difficiles à numériser.
La photographie qui illustre cet article est tirée d’une boite de 4 plaques montrant l’atelier de photographie de L. Ader, en 1907 justement. Outre les instruments et objets mis en scène et qui feront l’objet d’une autre publication, ce bouquet de fleurs est parfait pour montrer un grossissement de cette couche de poussière organique (ci-dessous).
Le percepteur d’impôts Charles Chevillot (1891-1980) a travaillé au Sénégal et au Mali ; il fut affecté à Aspet à son retour en France, puis dans la Sarthe, avant de revenir à Toulouse pour sa retraite. Il a pratiqué la photographie en amateur tout au long de sa vie. Son fonds compte près de 900 photographies, dont 160 plaques stéréoscopiques autochromes, réalisées entre les années 1910 et les années 1930, en Afrique, dans les Pyrénées et à Toulouse. Elles offrent une vision colorée rare de scènes et paysages que les moins de 90 ans…
Pour résumer, les premiers enregistrements en couleur de la réalité ont été rendus possibles avec de la poussière de pomme de terre. C'est patatique !
Ce n’est pas ce que vous croyez. Il est vrai qu’un virage constitue un changement d’orientation, que le terme peut être pris à la lettre ou à la légère, même si un virage est souvent lourd de conséquences. Point de brutalité ici, restons délicats, comme les virages photographiques.
Le procédé consiste à « combiner le dépôt métallique (argentique donc) avec des métaux nobles comme l’or, le platine, ou des éléments comme le plomb, le sélénium, le souffre, etc. »1. Utilisé dès le 19e siècle pour améliorer la stabilité des tirages, cela permet également de donner une teinte (du jaune au brun, du bleu au rouge en passant par le pourpre) à des photographies monochromes. Si l’on peut pratiquer le virage sur la totalité du tirage il est également possible de se restreindre à certaines parties de l’image, mais cette technique n’est pas une colorisation pigmentaire et n’est pas considérée comme une retouche.
Nous conservons peu de tirages virés aux Archives municipales. Le fonds Jean Dieuzaide en compte une trente-cinquaine, dont 8 sont actuellement exposés dans la rétrospective Jean Dieuzaide – 60 ans de photographie au réfectoire du Couvent des Jacobins. Parmi les autres, cette photographie issue de la très belle série Les orgues, initiée par une commande de l’État à l’occasion de l’Année du patrimoine en 1980.
1 Bertrand Lavedrine, (re)Connaître et conserver les photographies anciennes, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 2007, p. 146.
Ceci est une déclaration. Une déclaration à Toulouse, ma ville natale, que j’aime tant.
Quelle vue le photographe nous en donne-t-il là ! Lui qui s’est péniblement hissé à l’aide d’un comparse, avec son appareil et ses plaques de verre, sur le toit de la cathédrale Saint-Étienne. Il a l’air de faire si chaud ce jour-là. Des canotiers les protègent du soleil de plomb. Sous leurs yeux ébahis, la ville comme elle s’offre rarement au regard et sur laquelle semble flotter comme un air de vacances et de dolce vita. Toulouse n’est-t-elle pas d’ailleurs célébrée – depuis Stendhal et Henry James – pour son allure italienne ?
Les silhouettes des Augustins et des Jacobins comme les coupoles du Grand Hôtel ou de La Grave nous ramènent cependant à Toulouse. Et cette image, empreinte de douceur, est une invite à la découvrir autrement. « Si vous voulez flâner à travers Toulouse, conseillait Pierre Cabanne, ne prenez pas de guide, empruntez le lacis de rues caillouteuses et fraîches qui part de la place Saint-Étienne… le long des demeures des parlementaires, des nobles, des parvenus ou des marchands, regardez les façades, levez le nez sur les porches, entrez dans les cours, montez les escaliers… et, si vous le pouvez, grimpez sur les toits et rêvez. C’est la chose la plus agréable du monde que rêver à Toulouse1. »
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1 Pierre Cabanne, Toulouse (Paris : Éditions du Temps, 1963, coll. « Lieu-dit »).
La magie aujourd'hui a la cote. Et pas seulement dans cette Lettre consacrée à l'attribut du magicien ! Alors que se tient l'exposition « Magies et Sorcelleries » au Muséum de Toulouse, me revient en mémoire un beau livre sur lequel, dans une autre vie professionnelle, j'ai travaillé : le catalogue d'une exposition sur la photographie spirite, organisée par le Metropolitan Museum (New York) et la Maison européenne de la Photographie (Paris), retraçant les liens entre sciences occultes et photographie1. Au fil de l'édition de l'ouvrage, je découvrais stupéfaite des clichés aussi étranges que fascinants. Transes, lévitations, visions fantomatiques, apparitions de fées (!), médiums faisant surgir de leurs corps de mystérieux ectoplasmes... Autant de manifestations de l'invisible que les photographes avaient réussi – avec plus ou moins de bonheur et souvent de trucages, diront les plus sceptiques – à capter. Sur cette image, point de médium en transe ni de tables qui tournent, mais un illusionniste, avec ses accessoires, proposant ses tours de magie à un public qui lui semble acquis.
Si la photographie entend documenter le réel dans toute sa matérialité, ses liens avec l'occulte sont plus nombreux qu'il n'y paraît. Les daguerréotypes n'avaient-ils pas, selon Walter Benjamin, le pouvoir de capturer l'aura ? Et de saisir cet inconscient optique qui échappe à notre regard ? « La nature qui parle à l'appareil photographique, écrivait-il, diffère de celle qui s'adresse à l'oeil »2... De même, la vision en relief de cette image stéréoscopique colorisée ne relevait-elle pas du tour de magie pour ceux qui, à la fin du 19e, la découvraient ? Et que dire enfin de ce médium qu'est la photographie qui permet, comme d'un coup de baguette, de nier l'espace et remonter le temps, nous mettant en présence de contrées lointaines et d'êtres disparus ou absents ?
1. Le Troisième œil : la photographie et l'occulte, Denis Canguilhem, Clément Chéroux et Pierre Apraxine (Paris, Gallimard, 2004).
2. Petite histoire de la photographie, Walter Benjamin (Paris, Allia, 2012).
Qu’il s’agisse du cachet de la poste sur une carte postale, de celui d’un photographe, d’un organe de presse ou d’une administration au dos d’une photographie, le tampon est ce qui peut permettre de dater l’image, d’en révéler l’histoire, parfois la raison d’être mais surtout la provenance. Simple tampon au verso ou timbre sec apposé à même le cliché (cf. notre illustration), il reste un outil de choix qui nous renseigne sur l’auteur et les droits d’utilisation de l’image. Plus souvent qu’on ne croit, le tampon reste pourtant le grand absent des photographies que nous traitons, nous privant d’informations essentielles et transformant celles-ci en « images muettes », selon le mot de Semprun.
Comment savoir alors quel regard se cache derrière ces photographies ? Il est ainsi assez fréquent – ce qui rend notre métier encore plus exaltant – que nous menions un véritable travail d’enquête pour remonter, d’indices en indices, jusqu’à leur auteur. Des investigations parfois longues, minutieuses, pouvant aboutir à des résultats que l’on n’espérait pas !
Ainsi d’une série de 1300 plaques de verre documentant la vie toulousaine dans les années 1900-1920, mais aussi des opérations militaires menées en Afrique du Nord, notamment au Maroc, avant l’établissement du protectorat français. Des documents conservés dans nos fonds depuis plusieurs années et dont l’auteur demeurait une énigme. Aidés d’un petit carnet de notes – souvent sibyllin – attribué au photographe qui n’y livrait jamais son identité, d’une occurrence d’un nom de famille qui s’est avéré être celui de la femme qu’il avait épousée, ce n’est pas sans émotion que nous avons réussi, en épluchant les actes d’état civil, à retrouver notre homme. Ces photographies avaient maintenant un auteur dont nous connaissions désormais, grâce à l’acte de naissance et au matricule militaire de ce dernier, les grandes dates de la vie. Et quelle ne fut pas notre surprise de tomber un jour par hasard, en salle de lecture, sur l’arrière-petit-fils de ce dernier auquel nous avons eu la joie de faire découvrir ces clichés !
Un enfant dans un nid : pourquoi pas dans un chou ou une rose, tant qu’on y est ! Celui-ci est en robe de baptême ; ne lui manque qu’un ruban sur le crâne, et nous voilà avec un bel œuf pascal. Songez-y, parents, cette pauvre diablesse n’a rien demandé, et la voici pour la postérité, posant, le regard incrédule, mains sur les hanches et doigts de pieds en éventail. Ce bébé-là est habillé, mais à cet âge ils sont souvent représentés nus, ce qui est le cas depuis au moins le Moyen Âge si vous regardez bien. Il faut donc concevoir la nudité comme une incarnation* de la pureté, de la naïveté ou de innocence. Soit. Mais les choux, nids et autres rosiers, de quoi sont-ils l’expression ?
*Cet enfant n’est pas nu et je lui ai attribué le terme d’incarnation. Le coussin dans lequel il est calé forme deux petites ailes derrière lui, qui font de lui un ange. C’est une référence à l’Annonciation, qui, dès l’iconographie médiévale, marque l’incarnation divine.
Et si l’on poussait nos sens jusqu’à l’étourdissement, jusqu’au vertige ? Et si l’on s’évadait, le temps d’un billet, sur les allées Jean-Jaurès quand elles s’appelaient presque encore « Lafayette » et que s’y déroulaient, chaque année, les populaires « Foires de Mai »… ?
C’est à une immersion totale et joyeuse dans une fête foraine bruyante, odorante, colorée, que je vous invite. Vous aussi êtes en manque de sensations fortes, de sourires et de promiscuité ? Saisissez cette occasion de vous mêler un instant – du moins en pensée – aux visiteurs arpentant les allées. Que leur flot vous emporte et vous grise ! Entendez-vous le grondement de la foule ? Et cet air entraînant et désuet que jouent, à pleins poumons, les cuivres de la fanfare voisine ? A côté, c’est une autre musique : celle du rugissement des tigres de la ménagerie Pezon, dont se dégage une forte odeur de cuir... Vous y êtes ?
Un peu plus loin, après le coin des lutteurs et les baraques des marchands de bibelots, les magiciens font concurrence aux cartomanciennes et autres vendeuses d’espérance. Puis, ce sont les manèges et leur promesse de tourbillon vertigineux. Que ne laissez-vous transporter et découvrir le monde – sinon Toulouse – à l’envers, à bord d’un wagon lancé sur les montagnes russes ? Ne manquez pas non plus la fameuse roulette et autres jeux de hasard. Tout est prétexte pour tenter sa chance. Alors faites vos jeux !
Notre lettre est donc ce mois-ci consacrée au « soupir ». Superbe occasion, me suis-je dit, d’évoquer Venise – à laquelle je suis aimantée – et son pont fameux. Une opportunité, ai-je pensé, de faire (re)découvrir à nos lecteurs les belles photographies sur plaques de verre réalisées par Eugène Trutat et ses confrères de la Société de Géographie de Toulouse lors de leur périple en Italie dans les années 1880-90. Et de conclure ce billet par une citation s’apparentant à un soupir : "Voir Venise et mourir"... L’affaire était dans le sac !
Or, après vérification… il s’avère que ce ne sont pas les charmes de la cité des Doges qui ont inspiré à Goethe cette citation. Loin s’en faut ! Le poète ayant été subjugué, comme il l’écrit dans son Voyage en Italie, par les magnificences de… Naples.
Me voilà donc partie pour rédiger cet article avec, pour seuls bagages, une citation et un soupir ! « Voir Naples et mourir ». Changement de cap, donc ! Quittons les canaux de la mystérieuse et brumeuse Venise pour la lumière de la Campanie. A nous l’Italie du Sud, ses routes escarpées, la côte Amalfitaine qui n’est que poème, les ruines de Pompéi et le Vésuve dont la cime enveloppée de nuages surplombe le golfe de Naples. Cela ne tombe pas si mal, me direz-vous : Eugène Trutat et ses amis géographes nous ont laissé des souvenirs enchanteurs de leur séjour là-bas. Un album-photo que les voyageurs, désormais immobiles, peuvent consulter en un clic, sans sortir de chez eux.
Un pourpoint, une cape, une barbiche, des bas, des souliers, des froufrous, une fraise, un chapeau à panache, des gants : le costume est riche, et renvoie au 16e siècle. L’artiste, dans une attitude presque bouffonne, soigne son image. Mais quoi d’autre ? Nous avons peu d’informations : une notice descriptive, la numérisation du recto et celle du verso.
La photographie est collée sur un carton orné d’un cadre. Ce décor compte plusieurs motifs en référence à la musique, qui ne sont autres que les attributs des muses de la poésie et de la danse. Sans chercher très loin, on peut supposer qu’Eugène Merlin, qui comptait des artistes dans sa clientèle, avait aussi de quoi présenter ses travaux. Nous avons trois portraits de petit format montrant trois personnages dans le même studio à décor peint, mis en évidence sur un carton avec cadre, destiné lui-même à être encadré. Quelle mise en abîme !
Il est des détails qui peuvent passer inaperçus ou que l’on croit insignifiants. Et pourtant…
Quand on examine un portrait ancien conservé dans les fonds, on regarde généralement le tampon du photographe, l’arrière-plan et son décor, la tenue vestimentaire ou encore la coiffure du personnage. Autant d’indices qui vont nous aider à dater l’image, à la contextualiser et à la faire parler. Or, à se concentrer sur ces seuls éléments, on peut manquer l’essentiel : un geste, un regard, une posture, qui pourtant nous font signe(s).
Ainsi du geste, tout en délicatesse, de cette jeune femme posant dans le studio d’un photographe toulousain. Elle est assise, accoudée à une banquette, la main – à première vue – nonchalamment posée sur le dossier. A y regarder de plus près, il n’en est rien. Approchez-vous. Aiguisez votre regard. Voyez cet avant-bras et la texture de la peau. Percevez-vous, dans cet instantané, comme un frémissement – savant mélange de tension et d’abandon, d’appréhension et de confiance devant l’objectif du photographe ?
« Rien de ce qui semble furtif n'est négligeable car il révèle ce souffle de l'air qui entourait ceux qui nous ont précédés et qui nous effleurent encore » témoigne l’historienne Arlette Farge citant Walter Benjamin, qu’elle apprécie tant. Pour elle, certaines photographies sont une « forme de vibration ». Alors que l’histoire officielle passe sous silence les singularités, ces photographies de l’intime exhument les personnages invisibles et les âmes oubliées.
Le monde se partage en deux catégories de personnes : celles qui aiment le mois de septembre et celles qui ne l'aiment pas. Toutes les raisons sont valables, quel que soit le groupe dans lequel on se trouve. On peut déplorer la fin des vacances ou apprécier que leur interminable longueur ait enfin trouvé un terme. On peut se réjouir de retrouver les camarades de classe, les enseignants, les collègues, les entraînements de rugby, de porter enfin ces jolis vêtements neufs mais un peu trop épais pour le mois d'août, ou pas. Les bouchons se reforment gentiment sur des axes trop fréquentés, ce qui conduit à des décisions fracassantes : « puisque c'est comme ça, je vais prendre les transports en commun ! ».
Eh bien, il était temps. Cette possibilité est offerte aux toulousains depuis le milieu du 19e siècle, lorsque la ligne de chemin de fer ralliant Bordeaux et poursuivant vers Sète dépose ses paquets de voyageurs, leurs valises, malles, mallettes et boîtes à chapeaux dans le quartier Matabiau. Le réseau de tramways d'alors, conçu pour convoyer les voyageurs entre les différents quartiers de la ville et le chemin de fer, est très bien représenté sur le portail UrbanHist, avec ses 4 lignes au départ de la gare. Vous apprendrez notamment que celle-ci est agrandie tout juste 50 ans après son inauguration. Des plans indiquent l'emplacement prévu pour les consignes à bagages, ce qui vous permettait de laisser votre bagagerie sur place le temps de faire un tour en fiacre pour rapporter quelques souvenirs, puis de repartir fissa : direction l'étang de Thau, le port de Sète, les tielles et le muscat. Parce que oui, il y a d'autres avantages au mois de septembre : celui de partir en congés sans emporter la foule dans son balluchon, les familles bruyantes, les bambins criants, les voisins de plage envahissants, et autres désagréments pour juillettistes et aoûtiens.
Quant aux joies de la circulation à la rentrée, certains semblent leur avoir trouvé une parade : marcher sur les voies, mallette en main. Il n'est pas certain que ce soit efficace, ni confortable, ni sûr.
Parfaite illustration du vers de Baudelaire, cette photographie des années 1910-1920 est une invitation au voyage. Un voyage aux Pyrénées. Celui-là même qu'a entrepris Ludovic Gaurier né à Bayon-sur-Gironde en 1875, descendant d'une longue lignée de marins, entré dans les ordres avant de devenir professeur de sciences naturelles. Alors qu'il n'a pas 30 ans, la surdité le frappe et l'isole : il s'installe alors à Pau et décide de consacrer son temps aux Pyrénées qui le fascinent depuis l'adolescence. A lui, désormais, les grandes explorations solitaires – le surnom d'« ours » lui est attribué –, l'ascension des sommets, l'étude des glaciers, la limnologie…
C'est d'ailleurs sur les rives d'un lac pyrénéen que l'abbé Gaurier a installé ici son campement, réduit à l'essentiel : deux simples tentes de toile. Juste à côté, les mains posées sur les hanches, un chapeau vissé sur la tête, un homme contemple ce paysage grandiose. S'agit-il de notre pyrénéiste communiant avec cette nature ordonnée ?
Dans son journal, celui-ci relate une nuit d'été passée au clair de lune, au bord d'un lac de montagne. Un éblouissement que je vous partage, en vous souhaitant de bonnes vacances : « Décidément, il fait trop chaud dans mon sac en peau de mouton... Si j'allais faire un tour de canot ?... Quelle nuit magnifique !... Calme complet. Je détache le bateau et me voilà parti sur le lac. La lune à droite du petit Pic se reflète d'une rive à l'autre. Je nage dans la lumière et chaque coup de rame soulève des paillettes d'argent… Longtemps, je vogue ainsi, goûtant avec ivresse le calme divin de cette nuit. » Ordre, calme et beauté.
Le doux verbe, dont la seule pensée alimente chez moi des rêves d'autre-part ! Souffler, partir loin, à plus de 100 km, plus loin que la station spatiale internationale, pour plus longtemps que 55 jours, sans masque d'où les sourires ne peuvent plus jaillir que d'yeux, ni mètre, sans télé, sans travail, sans injonctions à la rentabilité du vide, sans école et sans maison. Partir juste dans un grand jardin ensoleillé, à bicyclette avec la liberté sur le porte-bagages. Soyons patients, ce sera pour bientôt. Nous retrouverons peut-être la même émotion qu'Eugène sur le quai de la gare Matabiau devant la fière mécanique fumante prête à l'embarquer vers les flots sétois en un éternuement !
Si nous ne pouvons attendre, il reste une solution : le visio-dépaysement. Cela consiste à se rendre sur une base de données bien garnie d'images, comme celle des Archives municipales, et à y entrer ses propres invites à la rêverie.
Nous sommes en mai 1936. Et, comme chaque année depuis des siècles, l'Académie des Jeux Floraux célèbre sa « fête des Fleurs ». L'éloge de Clémence Isaure, figure inspiratrice mystérieuse, ayant été prononcé en salle des Illustres, une délégation de membres de la plus ancienne société savante d'Europe se rend à la Daurade. Les fleurs d'orfèvrerie désormais bénites, il n'y a pas de temps à perdre.
C'est à pied et à un rythme soutenu – en témoignent les visages un peu flous saisis au premier plan – que les « mainteneurs », comme il est d'usage de les appeler, quittent la basilique, leurs fleurs de poésie en main. Après une halte à l'hôtel d'Assézat où la société a établi son siège, ils sont attendus au Capitole pour remettre aux lauréats du concours poétique leurs récompenses.
En 1819, c'est à un poète naissant – le jeune Victor Hugo, âgé de 17 ans – que l'Académie décerna, lors de ce même concours qui l'opposait à Lamartine, la plus haute distinction qui soit. Son « Ôde pour le rétablissement de la statue d'Henri IV » déchaîna, paraît-il, l'enthousiasme quand elle fut déclamée dans les salons du Capitole : elle méritait bien un Lys d'or ! Les années passant, Hugo n'oublia pas l'Académie des Jeux Floraux qui, la première, sut reconnaître et encourager son talent. Ces quelques vers extraits de son recueil, Les Feuilles d'automne, se font l'écho de ce passage toulousain : « Toulouse la romaine où dans des jours meilleurs, j'ai cueilli tout enfant la poésie en fleurs ».
Ceci n'est pas une injonction, seulement un titre – choisi avec soin – pour désigner cet article. Et il est de saison ! Que nous donne à voir cette image prise en 1949, peut-être un jour de printemps ? Une devanture de magasin, celle du « Parfait jardinier », institution toulousaine proposant depuis près de 150 ans aujourd'hui, aux numéros 2 puis 16 de la rue de Metz, des graines potagères, fourragères et de fleurs.
Difficile me direz-vous, en cette période de confinement, de se procurer fleurs et semences pour vaquer insouciant à sa passion du jardinage. Détrompez-vous…
Ce temps particulier, pour le moins distendu, n'offre-il pas l'occasion de cultiver d'autres jardins, cette fois intérieurs ? Ne peut-on transcender ce printemps confiné pour faire éclore, en « parfaits jardiniers », une créativité, des dons ou des ressources qui ne cherchent qu'à s'exprimer ? C'est à une éclosion de ce genre que je viens d'assister admirative, dans mon service : plusieurs de mes collègues et néanmoins amis s'étant portés volontaires pour prêter main-forte au personnel des centres médicaux avancés mis en place par la ville. Une action solidaire parmi tant d'autres qui me fait dire qu'en 2020, les qualités humaines font aussi le printemps !
Cette photographie ancienne sur plaque de verre exerce sur moi un pouvoir mystérieux. Elle capte mon regard, retient mon attention. Pourquoi certaines images nous aimantent-elles autant ?
Est-ce dû à leur sujet – à un événement, un visage, une attitude qui nous interpellent, à un endroit qui nous est familier ou que l'on affectionne ? Ou cela tient-il à des considérations esthétiques de forme : à une lumière, un contraste, une composition particulièrement léchée ?
Sur ce cliché, tout y est – ou presque. Une combinaison parfaite de fond et de forme. La forme d'abord : la prise de vue, en plongée, d'un chantier sur la Garonne qu'encadrent élégamment, au premier plan, le muret du Cours Dillon et, à l'arrière, le tablier et les arches du Pont-Neuf. Le sujet ensuite. Nous sommes en été 1937 et, conséquence des récentes crues, d'importants travaux sont engagés pour défendre Toulouse contre les inondations et renforcer les piles du pont.
En contrebas, des ouvriers s'affairent sur une machine noire aux cheminées fumantes : la sonnette, chargée d'enfoncer les palplanches qui isoleront les piles le temps des travaux. A l'arrière-plan, dissimulés derrière un nuage de fumée, le pont et ses arches revêtent un aspect étrange.
J'aime l'atmosphère qui se dégage de ce cliché. Et peu importent, en définitive, les considérations de fond et de forme, tant que les images continuent ainsi de happer notre regard.