Arcanes, la lettre
Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...
Moins que zéro est un roman de Bret Easton Ellis publié en 1985 où l’on suit la jeunesse dorée californienne expérimentant le triptyque « sexe, drogue et rock’n roll » dans ses aspects les plus troubles. De ces adolescents blasés, évoluant dans un état second au bord des piscines de villas luxueuses, émane une sensation de vide intense, corollaire de l’ennui. L’ennui, cet état d’aphasie, qui nous paraît aujourd’hui bien étrange tant il a déserté nos vies bombardées vingt-quatre heures sur vingt-quatre d’informations jusqu’au bout de nos doigts. Et malgré cela, une sensation de vacuité se fait jour. Car, en vérité, ces contenus numériques composés de 0 et 1 sont pleins de vide. C’est ce vertige qui en pousse certains à fuir le monde connecté, passant de community manager à berger en zone blanche. Mais ce ne sont pas quelques moutons et patous qui vous empêcheront de consulter le numéro 168 d’Arcanes, placé sous le signe du zéro, et dont le sommaire prendra en conséquence la forme d’un compte à rebours.
Six suivi de zéro : soit les 60 ans de carrière de Jean Dieuzaide durant laquelle il produisit une œuvre considérable qui fut classée, organisée et numérotée selon les bons soins de Jacqueline, sa femme.
Cinq degrés est une température correcte pour l’intérieur d’un réfrigérateur. On ne sait quelle atmosphère régnait dans les trois glacières toulousaines d’Ancien Régime mais elle permettait de conserver de la glace une grande partie de l’année.
Quatre comme les quatre C de la devise des archivistes : collecter, classer, conserver, communiquer. Après s’être appliquée durant des décennies aux archives papier, elle concerne tout autant à présent les documents natifs numériques.
Trois fois de suite un bâtiment emblématique du quartier de la Daurade fut réhabilité : d’abord monastère transformé en manufacture de coton, et ensuite de tabac, il finit en école des Beaux-Arts avec l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. On parlerait aujourd’hui d’appropriation architecturale, ce qui est toujours préférable à la table rase.
Deux années, huit capitouls, une école de médecine. Autant d’éléments qui sont à l’origine d’une sculpture disparue (et heureusement photographiée) portant la marque de l’arrivée du zéro à Toulouse.
Un accès momentanément impossible à notre base en ligne, l’occasion de venir nous rencontrer IRL, d’être conseillé dans vos recherches et accessoirement d’utiliser notre base intranet à disposition sur les postes informatiques de notre salle de lecture.
Zéro.
.
Partir de zéro, écrire sur une page blanche, les termes et expressions qui évoquent la création ex nihilo, souvent imagée, reflètent bien cette notion de vide d’où surgirait une matière, un contenu, du plein. Mais part-on vraiment de rien, et pour arriver où ? Le chemin est-il vraiment l’objet inavoué de toute recherche ? Méditons sur ce sujet en observant le système de classement adopté par Jean et Jacqueline Dieuzaide.
Tout est parti des reportages, c’est là qu’est le point de départ, le négatif numéro “un”, ce qui n’a pas empêché, a posteriori, de placer avant une page numérotée “zéro”. Les reportages étant classés de manière (approximativement) chronologique, c’est le moyen qui a été choisi pour ajouter à la collection des négatifs qu’il n’était sans doute pas prévu d’utiliser au départ. Ou bien des négatifs (re)trouvés.
Cependant, la préservation d’une méthode et surtout d’un ordre et d’un système de références est resté prioritaire. En effet, à partir du début des années 1950, notre photoreporter devient aussi illustrateur. Il travaille sur commande pour des éditeurs à qui il livre des prises de vues afin d’illustrer des recueils touristiques. Alors le classement se fait le reflet de cette nouvelle manière de travailler où le temps importe moins que l’espace. Les albums de consultation ne sont plus classés par date mais par départements, régions, pays. À chaque nouvelle commande, hop, un nouvel album, qui souvent porte le même nom, et une numérotation qui recommence à zéro. Enfin à “un”. Et qui continue à travers les âges, avec parfois des sauts de plusieurs années entre deux numéros. De plus, les premières images de Dieuzaide "en territoires” ne datent pas des années 50, il a toujours été un grand voyageur. Ajoutons les quelques sept-cent-cinquante clients pour lesquels il a fourni un travail au plus ou moins long cours, les photographies de Toulouse, les vues aériennes, les artistes... et nous sommes devant un travail fait de fils tissant une œuvre tentaculaire. C’est pourquoi souvent il faut croiser les recherches dans les catégories dieuzaidiennes pour trouver nos images. Parfois c’est simple, mais d'autres fois, ça l'est moins. Néanmoins, nous trouvons toujours et ces recherches font partie de l’apprentissage incessant et infini de ce fonds.
Au risque de chambouler le long cours de l’Histoire, des études sur le climat, on pourrait affirmer que le petit âge glaciaire aurait pu être ressenti à Toulouse dès 1619 ; mais finalement non. Une nouvelle avancée des glaces semble poindre en 1647, mais il faut en fait attendre 1660 pour que la glace s’impose de manière durable dans la ville.
Là, une précision s’impose : nous parlons d’une nouvelle « mode » qui gagne non seulement Toulouse, mais encore tout le royaume : celle des glacières.
Ces lieux permettaient de conserver la glace afin de pouvoir en disposer tout au long de l’année. Il s’agit généralement de puits coiffés d’un édicule en permettant l'accès.
Le 27 août 1619, les capitouls font part aux membres du conseil de ville de l'offre du sieur La-Crambe, marchand, qui expose la nécessité et les avantages de boire frais durant tout l'été ; il propose ainsi d'assurer la fourniture exclusive de la ville en neige et en glace. Les capitouls sont certainement séduits et lui permettent l'établissement de son négoce, sans pour autant lui en donner l'exclusivité (BB 26, f° 47-48, conseil de ville du 27 août 1619, 2e point). L’aventure semble sans lendemain, tout comme la nouvelle proposition faite aux capitouls en 1647 (BB 34, f° 78-78v, conseil de bourgeoisie du 20 août 1647, 3e point (omis en son rang dans le registre et seulement inscrit en décembre).), certainement retardée, puis avortée pour cause de peste.
C’est donc en 1660 que s’engagent les tractations qui amènent à la construction d’une première glacière proche du ravelin du Bazacle, un bail à fief entre la ville et Noël Martel est passé le 25 octobre 1660 (DD 62, f° 61v-63). Dès 1680, le nouveau cadastre indique cette glacière (qui disparaîtra probablement au cours du 18e siècle lors du percement du canal de Brienne), tout comme une autre, au-dessus du canal à Guillemery. Cette dernière va perdurer et même se multiplier puisqu’une expertise de 1746 y fait désormais état non plus d’une, mais bien de quatre glacières côte-à-côte : trois de forme ronde et une autre ovale (Relation de l'état des glacières de la ville, faite du 31 janvier au 5 février 1746. A.M.T., DD 96, liasse non foliotée). Les glacières de Guillemery sont encore en activité au 19e siècle. Ironiquement, le lieu est actuellement occupé par une grande enseigne de produit surgelés. Le compte ne serait pas complet si l’on ne mentionnait pas un troisième lieu : la glacière du port Garaud. Inutile de chercher à la localiser sur les cartes et les plans anciens, puisqu’elle se trouve... en sous-sol d’une maison !
La glace collectée sur Garonne ou bien descendue de la montagne lors des hivers trop doux n’est que stockée dans les glacières, ceux qui veulent en acheter au détail doivent se rendre dans des points de vente appelés bureaux de la glace qui se trouvent en ville.
Comme il a été évoqué dans l’argumentaire de 1619, cette glace sert à rafraîchir les boissons ; la mode du vin sur la glace commence alors ; elle gagne les élites mais se démocratise certainement puisque l’on trouve qu’un cabaret rural de Pouvourville se fournit en glace (FF 750/2, procédure # 048, procédure du 27 juillet 1706). Puis viendront les eaux glacées, sortes de sorbets, et surtout les formages glacés qui feront fureur au 18e siècle.
Pour les passionnés de glace(s), notez déjà la date du samedi 25 janvier 2026, où un atelier Au fil des chroniques des capitouls sera intégralement consacré à la glace et ses usages sous l’Ancien Régime.
.
La loi du 13 mars 2000 reconnaissant les documents numériques comme preuve, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont ils émanent, a été l’élément déclencheur de la dématérialisation des procédures administratives. Depuis il faut petit à petit dire adieu au papier pour certains services publics et bonjour au tout numérique.
Cet essor de la dématérialisation des procédures, et du numérique en général, pose depuis quelques années de nouvelles problématiques pour les archivistes. Dans l’imaginaire collectif, le mot archives est bien souvent associé aux vieux papiers. Cependant le code du patrimoine les définit comme étant l’ensemble des documents et des données, produites dans le cadre d’une activité, quel que soit leur support et leur âge. Ainsi les documents numériques sont à traiter au même titre que leurs homologues papier et doivent pouvoir être lisibles et accessibles dans le temps mais surtout n’être ni altérés ni modifiés afin de garantir leur fiabilité.
La conservation de ces données sur le long terme est aujourd’hui un enjeu majeur pour les archivistes. Un document constitué de 0 et de 1 n’est pas aussi stable qu’un parchemin. De plus, les évolutions technologiques poussent à sans arrêt s’adapter et avoir les supports permettant de continuer à consulter un document numérique créé dans un format devenu rapidement obsolète. Il est préférable de privilégier un format ouvert, voire standardisé, par exemple de type PDF pour les textes et JPEG pour les images. Donc la prochaine fois que vous écrirez un document numérique, pensez à votre archiviste et aux solutions qui auront été mises en place pour le protéger et le conserver.
.
Les professionnels de l’architecture et de l’urbanisme ne sont pas tous d’accord, mais il semble cependant qu’un consensus s’impose peu à peu : la conservation et l’adaptation d’un bâtiment ancien à de nouveaux usages a moins d’impact environnemental que sa destruction et la reconstruction d’un nouveau bâtiment [1]. Le 19e siècle employait un mot qui s’est aujourd’hui perdu pour exprimer cette manière de faire : « l’appropriation ». Et ce siècle a fait un grand usage de cette pratique, notamment grâce à la nationalisation des biens nobles et religieux qui a suivi la Révolution. C’est ainsi que l’école des beaux-arts s’est installée dans l’ancien couvent de la Daurade, entre-temps devenu manufacture des tabacs ; l’hôpital militaire prend place dans l’ancien couvent des religieuses Notre-Dame du Sac, le musée « d’art décoratif ancien et exotique » s’établit dans l’ancien collège Saint-Raymond. Si l’appropriation des biens nationaux a parfois commis de nombreux outrages sur ces édifices anciens – on pense bien sûr à la disparition de la plupart des cloîtres des établissements religieux – elle a aussi permis que certains chefs-d’œuvre de l’architecture toulousaine parviennent jusqu’à nous. On peut y ajouter encore – et parmi de nombreux autres ! – l’église des Jacobins, les anciens collèges, l’hôtel Dubarry, l’hôtel de l’archevêché, etc. L’administration adapte ces bâtiments, pour nombre d’entre eux devenus monuments historiques, et y installe des services publics : écoles, musées, bibliothèque, préfecture, trésor public, etc. Les Archives conservent de nombreuses occurrences de ce mot jusqu’au milieu du 20e siècle. La seconde guerre mondiale marque la rupture : l’ancien monde est dépassé, l’avènement du béton, économique et facile à utiliser, permet la démolition totale de quartiers anciens et leur reconstruction selon les normes hygiéniques et esthétiques du temps.
La table rase n’est plus d’actualité, mais le terme d’appropriation dans le sens qui lui était donné au 19e siècle n’est pas réapparu pour autant. Relevant plutôt de l’intime, il est utilisé dans le domaine de l’architecture pour traduire le fait de faire sien, matériellement ou symboliquement, un lieu, un logement ou le quartier où l’on vit. On lui préfère aujourd’hui les termes d’adaptation, de rénovation, de restauration ou de réemploi. De nombreux architectes ont aujourd’hui à cœur de faire avec l’existant. On peut citer à cet égard les deux chantiers menés par la Poste à Toulouse, le bâtiment Art déco à Saint-Aubin et celui en cours de transformation de l’ancienne poste des Minimes, qui affichent leur adéquation avec les considérations environnementales actuelles.
_______________________________________________________________________________________________
[1] https://www.envirobat-oc.fr/Reno-vers-le-futur-le-RDV-des-pros-de-la-renovation-en-Occitanie
.
.
Comme vous avez pu le constater depuis plusieurs semaines, notre base de données en ligne n’est plus accessible sur internet. L’erreur 503 (ou 504, au choix) est devenue son unique réponse. Bref, on tourne en rond.
À la décharge de notre précieux outil, il s’avère qu’il fait l’objet au quotidien de multiples requêtes simultanées qui saturent le moteur de recherche et nous peinons, pour l’instant, à pallier cette sur-sollicitation. Pour autant, nous sommes tous mobilisés pour trouver une solution pérenne qui stabilisera la base et rétablira un fonctionnement optimal et fluide.
En attendant que vous puissiez à nouveau explorer nos ressources depuis chez vous, sachez que la version intranet de notre base de données est, elle, toujours accessible en salle de lecture. N’hésitez pas à venir la consulter sur place : ce sera l’occasion d’échanger en vrai avec les archivistes qui la font vivre (et de délaisser les 0 et les 1 du langage informatique). Par ailleurs, vous pourrez, en bonus, bénéficier de conseils et d’un accompagnement personnalisé dans vos recherches.
Et cette rencontre permettra non seulement de discuter de vos pratiques en ligne mais aussi de partager vos attentes (dans la mesure de nos possibilités techniques) concernant l’utilisation de cet outil, d’habitude plutôt utile !