
L'image du moi(s)
Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !
Mesdames et Messieurs !
J’ai le grand honneur de vous annoncer l’arrivée dans votre belle ville de Toulouse de la plus incroyable des attractions ! À compter du 5 septembre, vous pourrez aller admirer à la médiathèque José-Cabanis l’exposition :
« André Cros, photographe de terrains. Clichés de rugby 1945-1988 ».
Vous y découvrirez les phénomènes les plus étonnants :
• Henri Pistre, le « pape du rugby » : 50 % curé, 50 % athlète, qui dissimule sous sa soutane le maillot de son équipe favorite ;
• Roger Bourgarel, ¼ banquier ¾ rugbyman : avec lui, les moindres erreurs se paient cash ;
• les frères Spanghero, les Hercules du Lauragais : ils sont comme l’Aude en crue, infranchissables, inarrêtables ;
• à moins qu’ils ne trouvent sur leur route le « cube » Georges Aillères : un monument du rugby que l’on croirait fait de brique tellement il est solide.
Et la maison ne reculant devant aucun sacrifice, elle vous propose non pas 1, non pas 2, mais bien 3 expositions pour le prix d’une – par ailleurs gratuites. Vous retrouverez donc d’autres photographies de rugby d’André Cros dans les trois marchés couverts toulousains : Victor-Hugo, les Carmes et Saint-Cyprien ; ainsi que « Rugby à la une ! Photographies de presse », une exposition à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine.
Un film français de Robert Benayoun affirmait en 1969 : « Paris n’existe pas ». Slogan surréaliste pour une intrigue qui ne l’est pas moins. Jugez-en : après avoir consommé une substance psychotrope un artiste parisien acquiert le pouvoir de voyager dans le temps. Si l’on en croit Aldous Huxley, ce sésame lui aura ouvert les portes de la perception, mais comme le rappelle le préposé à la trésorerie de Trie-sur-Baïse, les portes de la Perception ferment à 16 h.
Pour paraphraser Robert, j’ai parfois l’impression que mai n’existe pas, ou pour être plus juste, n’existe plus. Oublié le mois de l’insouciance, des chapardages de fraises et cerises, des virées nocturnes en bandes, des premières baignades dans l’eau encore frisquette. Aujourd’hui, mai se résume à de savants calculs pour obtenir le maximum de vacances en posant le minimum de congés ; à synchroniser les agendas des uns et des autres pour arriver à passer quelques heures en famille ou avec des amis.
Mai où es-tu passé ?
Probablement dans les recoins de mon cerveau, juste à côté des décembres neigeux. À ce sujet, avez-vous déjà remarqué combien les étés de notre enfance étaient chauds et ensoleillés, les hivers froids et enneigés ? N’y voyez pas forcément de lien avec le réchauffement climatique, mais plutôt avec le fonctionnement de la mémoire qui généralise les évènements météorologiques exceptionnels de nos jeunes années. Pour des générations, l’hiver rigoureux de 1985 a créé un récit qui a progressivement contaminé les autres périodes hivernales. D’où l’expression : « C’est neigeux avant ».
Il paraît que Pascal est aujourd’hui un prénom devenu rare. Non pas qu’il ait totalement disparu de la circulation, mais il semble que plus personne ne veuille le donner à ses enfants. Il faut dire qu’en la matière, nos contemporains rivalisent d’originalité. Loin de moi l’idée de fustiger les parents des Térébenthine, Tugdual, et autres Foulque, leur progéniture s’en chargera, mais il y avait peut-être de bonnes raisons à ce que certains prénoms soient oubliés ou même jamais donnés. Néanmoins, je profite de cette chronique pour rendre hommage à tous les Pascal que j’ai croisés au cours de ma vie en soutien à ce patronyme en voie d’extinction.
Je suis donc Pascal C., copain de primaire aux dents de lapin, qui habitait à quelques pas de l’école, et qui se tenait toujours prêt à faire les pires idioties. Je suis aussi Pascal P., comme moi, banlieusard bondissant dans un lycée citadin. Arborant la panoplie du « hardos » - baskets americana, jeans élastiques, perfecto et bien sûr une coupe mulet à rendre jaloux Tony Vairelles – agrémentée des patchs et t-shirts de ses groupes favoris : Carcass, Deicide, Cannibal Corpse ou encore Necrophagia. De quoi faire dresser les cheveux sur la tête de sa môman.
Je suis encore Pascal tout court, coiffeur génial qui présida à mes destinées capillaires pendant deux décennies. Sa retraite sonna le glas de ma chevelure et me vit errer de salons en salons des mois durant. Et pour finir cette odyssée pascalienne, je suis Pascal O., goal charismatique, notamment de Marseille, et chanteur occasionnel qui nous donna le mémorable « Tape dans un ballon » qui pourrait en remontrer à nos actuels rappeurs phocéens :
"Fleurs de tags sur béton pour décor chimérique
L'horizon graffiti a cassé tes musiques
Y'a une bille de flipper qui cogne dans ta tête
Tu sais plus où aller, t’es mal dans tes baskets
Moi je suis passé par là
Envie de tout casser, quelquefois
Et me frapper la tête contre les murs
Comme toi j'étais en mal d'aventures
Mais j'ai trouvé, ma vérité
Fais comme moi, et tout changera".
Au début des années 2000, on donna aux nouvelles évolutions qui transformaient le World Wide Web, le nom de Web 2.0. L’expression, bien qu’issue de la culture geek, séduisit un large public. A tel point qu’on la retrouva utilisée dans des domaines divers et variés. Ainsi, on peut essayer d’imaginer le management 2.0 ou la ville 2.0, mais qu’est-ce qu’une mère 2.0 ? Une « intrapreneure d’un programme d’acculturation digitale pour tous » qui suit avec « curiosité l'usage des nouvelles technologies de sa fille » ? Ou juste une maman qui revend ses vêtements sur Internet et espionne son ado sur les réseaux ?
On peut y voir un symptôme du présentisme qui tente de qualifier la nouveauté d’une façon toujours plus absconse. L’usage du jargon technico-informatique est caractéristique à cet égard, mais aussi périlleux car il se périme très vite. Alors que l’actualité est au Web 3.0, j’entendais récemment une ex-gloire des années 1980 qualifier George Michael de « Frank Sinatra 2.0 ». Ok boomer ! T’as raté tellement de trains que plus personne ne peut t’aider, et t’accrocher aux wagons de la modernité restés en gare ne va pas arranger ton cas.
En revanche, Toulouse était au rendez-vous de l’Histoire le 25 février 1848, lorsque fut proclamé, depuis le balcon de l’hôtel de ville du Capitole, l’avènement, non pas de la République 2.0, mais bien de la Seconde République. Certes, elle ne dura que quelques années mais, comme son nom ne le laissait pas présager, sema les graines d’une troisième qui, à la fin du 19e siècle, devait installer durablement un régime démocratique en France. Il y a eu plusieurs mises à jour depuis cette époque, et parfois les installations des nouvelles versions ont bien failli faire planter le système. Néanmoins, il tourne toujours à l'heure ou j'écris ces lignes.